Pourquoi faut-il réinventer l’éducation des garçons

« Sois fort mon fils et ne pleure pas ! » Et si pour bâtir un monde plus égalitaire, nous changions l’éducation des garçons ? Alors que l’apprentissage à l’égalité femmes/hommes s’est jusqu’alors focalisé – féminisme oblige – sur « l’empowerment » des filles, au tour des garçons d’être émancipé, en miroir, de normes éducatives encore très virilistes et toxiques ! Un challenge de taille même pour les parents les plus modernes… Focus.

« Plutôt une Barbie ou la figurine de la Reine des Neiges ? » C’est volontiers que Guillaume Champeau questionna son fils de quatre ans sur la poupée qu’il osa timidement lui réclamer pour Noël. Mais quel mal a pris ce « nouveau » père de relater ensuite une telle anecdote sur la Toile… « Il est pédé ton fils », j’aurais honte à sa place », « il veut pas finir gay comme son père », etc. Au final, c’est un torrent de messages de haine, homophobes, sexistes…, que ce papa avant-gardiste a récolté en échange. Son « crime » ? Pas celui d’aimer un autre homme, non, mais bien d’avoir acheté une poupée pour son fils…. Une affaire remontant déjà à décembre 2016 mais qui en dit long sur le poids ancestral des stéréotypes de genre affectant l’éducation des filles, certes,…, et très très largement encore celle des garçons ! Car en effet, si l’apprentissage à l’égalité femmes/hommes s’est jusqu’alors focalisé – féminisme oblige – sur « l’empowerment » des filles , surtout depuis metoo, et ce, en les incitant à tordre le cou aux clichés sexistes (« les filles sont fragiles », « elles préfèrent les activités calmes », etc.), les petits mâles « restent, eux, souvent maintenus dans les vieux schémas virils », selon Christine Castelain-Meunier, sociologue au CNRS, spécialiste des genres et autrice de Et si on réinventait l’éducation des garçons ? (Nathan, 2020). Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude de fin 2017 du Pew Research Center sur les activités enfantines, si 77% des sondé.e.s se disent favorables à encourager les fillettes à s’approprier les activités «de garçon», ils/elles ne sont que 64% à estimer qu’il est bon de faire l’inverse.

Devenir un homme, un « vrai »

C’est dire si l’encouragement à s’affranchir des préjugés de genre reste naturellement plus prégnant pour celles longtemps étiquetées comme le sexe « faible »… Et la sociologue d’analyser les causes profondes d’une telle dissymétrie : « elle s’explique par le fait que le

masculin se construit encore beaucoup dans le rejet du féminin : être un homme, c’est d’abord ne surtout pas ressembler à une femme ». Une vision rigide et peu inclusive de la masculinité « en raison de la survalorisation de tout ce qui est perçu comme ‘viril’ ». Et qui est d’ailleurs encore tenace même chez les jeunes hommes. Ainsi, selon un sondage Kantar de 2018, 58 % des moins de 35 ans estiment qu’être un homme c’est “être le meilleur” et 37% de “ne pas pleurer”. Rien d’étonnant alors qu’une fois devenus pères, ceux-ci restent « peu enclins à enfreindre les normes de genre dans l’éducation de leur fils…». Et avec la crainte spécifique que « leur enfant devienne ‘efféminé’ ou pratique plus tard une sexualité redoutée », poursuit de son côté Aurélia Blanc, autrice du livre Tu seras un homme féministe mon fils (Marabout, 2018). Voilà donc le prix à payer pour devenir un homme, un « vrai » : des coûts de transgression bien plus élevés pour les garçons faisant de la danse versus les filles jouant au foot ! Les premiers étant, on en conviendra, bien souvent plus raillés à cet égard que les secondes… Un hiatus éducatif qui persiste au point de mettre dans l’embarras bon nombre de parents, même les plus modernes. « D’un côté, ceux-ci n’hésitent pas à pousser leur fille à se dépasser, s’émanciper, de l’autre, ils s’inquiètent à l’idée de voir leur garçon ne pas être affirmé, voire perdre son identité, s’il exprime sa sensibilité. Tant l’idéal type du masculin reste de réprimer ses émotions », analyse la sociologue qui pointe ainsi des contradictions majeures à affronter quand on est parent d’un fils. Un défi éducatif qui se pose tout autant à leurs pères qu’à leurs mères ! « Beaucoup de femmes, et même féministes, incitent finalement, elles aussi, leurs petits garçons à s’endurcir, être performants…, alors qu’en même temps ces derniers sont toujours plus critiqués par la société pour leur côté hyperactif, désordonné, brouillon, voire violent. Voilà pourquoi à l’école comme dans les familles, la nature des punitions est souvent plus dure à leur égard, ce qui au final n’encourage pas le respect qu’ils ont en eux-mêmes…».

Des automatismes profondément sexistes

C’est dire si dans l’Occident du 21ème siècle, « il n’est guère simple d’éduquer des garçons ! », résume la sociologue. Car comment instaurer des pratiques éducatives favorisant réellement l’égalité entre les sexes en « l’absence de modèle d’identification porteur de ce qu’est être un homme ?», questionne la sociologue, déplorant par exemple la mise en avant « dans le cinéma, de personnages masculins encore très stéréotypés». Si près de huit personnes sur dix estiment que le changement pour l’égalité femmes-hommes doit pourtant être une affaire « autant de femmes que d’hommes », d’après le sondage Kantar (82% pour elles et 72% pour eux), reste donc à trouver des leviers constructifs pour réussir « à dépasser cette éducation des petits garçons à l’aune d’injonctions très sexistes et qui relèvent souvent de reflexes et automatismes auxquels nous sommes tous exposés », commente Aurélia Blanc. Dans son « manuel d’éducation antisexiste », elle recommande ainsi à chacun de se questionner déjà sur ses manières d’agir avec ses enfants : « pourquoi dis-je souvent à Léo qu’il est costaud ? A quand remonte la dernière fois où je l’ai complimenté sur sa tenue ? Est-ce que je le câline autant que sa sœur ? ». Si pour l’autrice, c’est souvent « sans mauvaise intention que les adultes reproduisent le sexisme – ‘ce n’est pas un garçon pour rien’, ’ça, c’est un jeu de filles’, ‘il est très bagarreur’-, mieux vaut alors y répondre par la bienveillance sans rentrer dans le lard au moindre faux pas ». La nounou veut acheter des petites voitures bleues pour votre fils ? Profitez-en pour dire : « c’est super, tous les enfants pourront y jouer, d’ailleurs n’hésitez pas à proposer à mon fils les jeux auxquels jouent les filles », recommande l’autrice. Vous l’aurez compris, pour espérer être entendu, inscrivez-vous dans une démarche positive ! Une condition sine qua non pour réussir cette révolution éducative, nécessairement lente. Et dont l’objectif n’est autre que de rendre nos

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